Philippe Galant est ingénieur au service archéologique de la DRAC Occitanie où il assure la gestion du patrimoine souterrain sur les départements de l’ancien Languedoc-Roussillon. C’est dans ce cadre qu’il suit entre autres la conservation des grottes riches en vestiges sensibles comme celle d’Aldène. Ses recherches abordent le domaine de la paléospéléologie et de l’occupation des mondes souterrains.
Située dans l’ouest du département de l’Hérault, sur le versant méridional de la Montagne Noire, la grotte d’Aldène constitue le plus grand réseau spéléologique du Minervois. Elle développe plus de 9 km de galeries, réparties sur quatre niveaux hydrogéologiques.
Conférence aux journées scientifiques en Minervois 2021:
L’Histoire de l’Aldène est très riche. Au regard de l’importante bibliographie qui raconte cette aventure multiséculaire, le chercheur reste modeste devant tous ces investissements humains, scientifiques et littéraires. L’Aldène a toujours passionné, intrigué, sans jamais décevoir celles et ceux qui ont su l’apprivoiser. Cette grotte a toujours eu, localement mais aussi régionalement, un grand intérêt à la fois scientifique et touristique.
Seuls les deux premiers étages du réseau sont, d’un point de vue hydrogéologique, totalement fossiles. Partiellement comblés par des remplissages sédimentaires, ils présentent de forts intérêts paléontologiques et archéologiques. Le premier étage de la grotte, dit « étage Bousquet », est connu très anciennement. Dès 1776 la cavité est décrite avec détails. Au tout début du 19ème siècle, l’intérêt paléontologique de la grotte d’Aldène est reconnu. Tout au long du 19ème siècle, de nombreuses publications principalement à destination touristique vanteront les beautés et intérêts de la cavité. Les plus grands noms de la Préhistoire, science alors naissante, visiteront et écriront sur l’Aldène.
À partir de 1888, la découverte de phosphates d’alumine dans les remplissages du premier étage va conditionner la suite de l’histoire du site. Une exploitation industrielle va concerner le premier étage de la caverne. Jusqu’au début des années 1950, ce sont des dizaines de milliers de mètres cubes de terre qui seront extraits de la grotte. De fait la quasi-totalité des remplissages paléontologiques et archéologiques seront détruits. Aujourd’hui seulement quelques rares objets sont connus dans certains musées. Ces travaux, inutiles économiquement et destructeurs d’un très riche patrimoine, ont cependant eu des conséquences patrimoniales inattendues. En 1927, les décaissements réalisés par les mineurs ont permis d’accéder à une galerie dont le temps avait bouché l’entrée. Elle recélait sur ses parois des gravures paléolithiques identifiée par Marcel Guerret. De même, l’extraction des sédiments avait dégagé un « trou souffleur », passage qui fut désobstrué en 1948 et livra accès au deuxième étage du réseau.
C’est l’abbé Dominique Cathala qui désobstrua ce passage et explora ces nouvelles galeries. Grâce à son regard d’archéologue il repéra très vite la présence de vestiges paléontologiques en place d’ours et de hyènes. Après plusieurs sorties d’exploration, il s’est aventuré dans une galerie qui lui livra « sa » découverte, celle de pistes de pas humains.
L’étude des empreintes de pieds humains conservées dans cette cavité a été engagée en 1973 et 1974 par Léon Pales. Ce travail est resté à ce jour inconnu suite au décès de ce chercheur. Ente 1997 et 2007, Paul Ambert a relancé un programme de recherche destiné à dater les incursions humaines et animales dans ce réseau. Outre l’attribution à la période Mésolithique de ces empreintes, cette étude a permis de caractériser une exploration spéléologique préhistorique. Ses conclusions étaient néanmoins restées sur un manque, celui de l’approche des empreintes de pieds humains. Il semblait que ces traces permettraient de mieux comprendre qu’elle était la composition du groupe humain. Mais ce travail nécessitait la mise en œuvre de moyen non encore disponibles pour réaliser des relevés précis afin d’analyser au mieux le comportement des explorateurs souterrains préhistoriques.
A partir de 2017, un nouveau programme de recherche a été engagé dans la grotte afin d’étudier ces empreintes uniques au monde par leur nombre et qualité. Les moyens technologiques innovant associés à une expérimentation humaine unique, nous permettent d’en savoir plus sur ce trésor du Minervois.