Observations archéologiques des vestiges encore en place, par Sylvain Durand, Géoptère-Archéologie.
Ayant été averti par l’association Menerbés à la toute fin des vacances de Noël de la destruction de tombes à La Caunette lors de travaux, je me suis rendu sur place le 2 janvier pour nettoyer, décrire et enregistrer les vestiges restants. J’ai ainsi pu me rendre compte que le chantier de création d’un parking à 40 mètres au nord de l’église du village avait largement entamé un talus de plus de 3m de hauteur, et ce sur environ 60m de long. Cette excavation correspondait à l’emprise du futur parking ainsi qu’à l’emplacement des fondations d’un nouveau mur de soutènement.
Au final, 6 tombes étaient encore partiellement conservées dans l’angle nord-ouest de la zone, 3 dans la partie du talus orientée nord/sud et 3 autres dans l’autre, orientée est/ouest. Cela représente une densité relativement importante, sur seulement 20m de développement du talus. Ces inhumations faisaient donc très certainement partie d’un cimetière. Il s’agissait de « tombes à dalles », reposant près de 2 mètres sous le sol actuel de la vigne. On peut ainsi supposer qu’elles étaient déjà enfouies assez profondément au moment du dépôt des défunts. Ces tombes étaient orientées est/ouest, avec la tête placée à l’ouest. C’est une disposition typique d’un rite funéraire chrétien.
De fines dalles de calcaire et de grès local ont été disposées contre les parois de la fosse et au dessus du corps, formant ainsi un véritable coffre protégeant le défunt. Il n’y avait en revanche ici aucune dalle au fond de la fosse. Des ossements humains en place et en connexion-c’est-à-dire non remaniés-étaient visibles à l’intérieur de 4 d’entre elles. Les os étaient dans un état de conservation archéologique relativement bon et bien identifiables. Les dimensions des coffres (environ 0.45m de largeur intérieure) évoquent des tombes d’adultes mais les dimensions des os laissent penser qu’au moins une ou deux des quatre sépultures contenant des squelettes seraient celle(s) d’un enfant.
Les 3 tombes du talus ouest ont été recoupées transversalement : la plus au sud au niveau des pieds (un tibia recoupé et des os des pieds), celle au centre au niveau de la base de la colonne vertébrale (ossements des deux bras disposés le long du corps bien visibles). La plus au nord a du être tranchée au niveau d’une extrémité-chevet ou pied-car les dalles sont bien visibles en coupe mais aucun os. Dans le talus nord, la tombe la plus à l’ouest a été recoupée dans le sens de la longueur. Cette dernière est particulièrement intéressante car il y a deux niveaux d’ossements : plusieurs os mélangés à la base et un squelette en connexion au dessus. Cela suppose une démarche de « réduction » : le creusement de la fosse de la nouvelle tombe a recoupé une sépulture antérieure et les os exhumés alors ont été regroupés sous la forme d’un « fagot ». Cet élément révèle que le cimetière a dû être utilisé durant une période suffisamment longue pour que les tombes les plus anciennes soient oubliées et de nouvelles fosses creusées au même endroit. La même sépulture a révélé que le défunt a été inhumé habillé ou couvert d’un linceul. Ce détail est mis en lumière par le fait que les ossements de la cage thoracique se sont décomposés dans un espace restreint, plus étroit que le coffre de dalles. Notons ensuite que la tombe centrale du talus nord n’était plus matérialisée que par un alignement de dalles orientées est/ouest et que la sépulture la plus à l’est a été recoupée en diagonale, laissant apparaître une partie du crâne, des vertèbres et une partie du bassin du squelette du défunt.
Nous n’avons pu repérer aucun objet dans les parties visibles en coupe, ce qui ne signifie pas forcément qu’aucune des tombes ne contenait du mobilier funéraire.
Toutes ces observations permettent d’affirmer que nous sommes très certainement en présence de tombes chrétiennes de la toute fin de l’Antiquité ou du Moyen-Âge (fourchette malheureusement très large du Ve au XIVe siècle pour lesquelles on a retrouvé de telles tombes à dalles), à l’intérieur d’un cimetière qui a fonctionné pendant plusieurs générations. Il est très peu probable que ce cimetière ait été celui de l’église romane au vu de la distance assez importante séparant les tombes de celle-ci. On ne peut en revanche pas exclure que cette nécropole ait été liée à un lieu de culte chrétien plus ancien, dont il ne subsiste aucune trace à cet endroit.
