Ce récipient en verre de 11 cm de haut et de 7 cm de circonférence à la panse servait à verser un liquide en petites quantités au « goutte à goutte » d’où le nom latin de guttus qu’on lui donne souvent dans les musées. L’usage de ce type de burette est encore très controversé, les archéologues anglo-saxons le désignent souvent comme un vase destiné au remplissage des lampes à huile (lampfiller), mais cet usage n’est pas avéré, et d’autres hypothèses ont été émises : ustensile de toilette, vases à huile et à parfums ? L’encyclopédie de Diderot et D’Alembert dit que « C’était un vase dont le sacrificateur se servait chez les Romains pour prendre le vin et le répandre goutte-à-goutte sur la victime ». Aujourd’hui on s’accorde à y voir plutôt des biberons car on en a retrouvé un certain nombre dans des tombes d’enfants en Gaule, datant du IIème au IV ème s., et l’étude des dépôts acides sur les parois de certains d’entre eux a permis d’identifier du lait humain ou animal. Il est difficile de trancher pour cette fiole, qui aurait été trouvé en 1940 dans la tombe d’un individu adulte, tombe qui a depuis complètement disparu.
Pour en savoir plus :
Elle faisait partie d’un ensemble d’une dizaine de tombes qui ont été visitées en 1020/23, puis 1940, et enfin fouillées plus scientifiquement en 1960 par Jacques Lauriol. La nécropole, située non loin du domaine du Pech, aurait été utilisée sur une longue période, au moins du IIIème au VIème s. On peut supposer qu’il y avait un habitat gallo-romain au Pech.
Une controverse oppose toujours les archéologues sur la destination de ce type d’objets, certains y voyant des tire-laits plutôt que des biberons. Cette opinion a été dernièrement combattue par Claude-Emmanuelle Centlivres-Challet, qui pense qu’il est matériellement très difficile pour une femme de s’en servir comme tire-lait, et qui pense que l’objet déposé dans la tombe est un objet symbolique funéraire. « Les parents ou les proches qui mettaient ce récipient dans la tombe de l’enfant plaçaient à ses côtés un objet de son quotidien pour accompagner le petit défunt dans sa dernière demeure, et y joignaient le geste d’adieu symbolique de lui donner son dernier lait pour son dernier voyage ». Dans le cas d’une tombe d’adulte, ce qui est le cas ici, elle y voit un objet du quotidien qui le suit jusque dans sa tombe.
Bibliographie :
Jacques Lauriol, « Premières notes sur la nécropole du Pech, Minerve (Hérault) », Bulletin de la société d’études scientifiques de l’Aude, tome LXV, années 1964-1965.
Danielle Gourevitch, « Les tire-laits antiques et l’utilisation médicale du lait humain », Histoire des sciences médicales, n°24, 1990, pp. 149-159.
Nadège Rouquet et F. Loridant, « Note sur les biberons en Gaule romaine », L. Rivet ed., SFECAG, Actes du congrès de Libourne 1-4 juin 2000, Marseille 2000, pp. 425-440.
Claude-Emmanuelle Centlivres-Challet, « Tire-lait ou biberons romains, fonctions, fonctionnalités et affectivités », L’Antiquité classique, 85, 2016, pp. 157-180.