« Estimes et compoix, des ressources fiscales au service des communautés villageoises médiévales » par Jean-Loup ABBE

Jean-Loup ABBE

Professeur honoraire Université Jean Jaurès – Toulouse

Les estimes et les compoix représentent une source essentielle de l’histoire médiévale et moderne. Leurs données permettent en effet de mieux connaître la démographie, l’économie, la fiscalité, la hiérarchie des fortunes, l’occupation du sol, le paysage urbain, la langue, l’onomastique, donc l’ensemble de la société à travers des séries de déclarations fiscales.

 

Le compoix est donc un cadastre. Il peut en effet se définir comme la valeur imposable des éléments du patrimoine des contribuables d’une communauté d’habitants. Ces éléments concernent les biens fonciers bâtis ou non bâtis, parfois les biens meubles. Le cadastre sert à lever un impôt demandé par une autorité supérieure – à la différence des redevances dues aux seigneurs. Cet impôt a donc une base réelle, fondée sur les biens, et est en principe proportionnel à la fortune de chacun.

Les communautés urbaines languedociennes font appel à l’impôt dès le XIIe siècle. Le cas est par exemple signalé à Albi lorsqu’il faut construire des remparts vers 1180-1190. C’est à partir du début du XIIIe siècle que l’impôt languedocien devient proportionnel aux fortunes. Le passage au registre écrit se fait lentement au cours du XIVe siècle. L’alourdissement de l’imposition royale, les levées de taille qui deviennent systématiques à partir des années 1330, entrainent la rédaction des premiers compoix : les difficultés de récoltes, les mouvements populaires sporadiques, poussent à établir plus équitablement la pression fiscale. L’entretien des remparts urbains pendant la guerre de Cent Ans va dans le même sens.

À partir de la fin du XIVe siècle, la taille royale est permanente. Les registres deviennent nécessaires pour assoir efficacement et rapidement les prélèvements. Les estimes et les compoix se multiplient et deviennent un élément essentiel de la fiscalité des communautés d’habitants, des villages comme des villes, et de la royauté.

Crédit photo Christian Douillet