« Le verre du Languedoc au musée du verre de Sorèze », par Madeleine Bertrand

Madeleine Bertrand
Présidente de l’association qui assume à titre bénévole la gestion du musée du verre de Sorèze créé par Yves Blaquière en 1995.

 

Résumé :

Le musée du verre de Sorèze a été créé par Yves Blaquière en 1995. Il conserve actuellement plus de 400 objets considérés comme ayant été soufflés dans les anciennes provinces du sud de la France. Cette collection, dont une partie est inscrite à l’ISMH, s’est progressivement constituée grâce à des achats (Collection Lescure puis Gomez) mais aussi par d’importantes donations de collectionneurs (Blaquière, Roudil, de Guibert, Besombes).

 

On peut très schématiquement essayer de la classer en quatre entités différentes :

– le verre destiné à un usage populaire et issu des verreries forestières régies par la charte de Sommières dans l’actuelle région Occitanie avant la fin du XVIIIème siècle. Il est généralement d’une coloration verte affirmée ou bleu-vert, brillant, peu affiné avec présence d’infondus, finement bullé. Il peut avoir été joliment travaillé à la pince pour de petits objets. Par erreur, il est souvent attribué systématiquement à la forêt de Grésigne.

– le verre dit « de luxe » d’un gris fumée transparent ou légèrement verdâtre, parfois moucheté de taches de couleur ou décoré « a penne« . Révélant des influences italiennes, il a été produit en Montagne Noire et dans les monts de Lacaune ou du Somail au XVIIème siècle. Il est rare et son identification est étroitement corrélée aux données archéologiques. Du verre décoloré de teinte variable a également été travaillé en divers points de la juridiction et à d’autres époques, en particulier pour une gobeleterie de qualité façonnée en bas Languedoc au début du XVIIIème siècle.

– le verre incolore ou vert soufflé à la fin du XVIIIème siècle et au XIXème siècle aux Verreries de Moussans, mais aussi dans les dernières verreries de L’Ariège (Pointis, Porteteni) et de la forêt de Grésigne (Haute Serre). Ces entreprises sont restées actives une partie du XIXème siècle et nous ont laissé des inventaires précis de ce qui y était alors commercialisé. Destiné aux usages du quotidien, le verre y est souvent peu bullé et assez lourd.

– Le verre brun dit « à la façon d’Angleterre » fabriqué dans la deuxième partie du XVIIIème et au XIXème siècle par les verreries industrielles du midi chauffées au charbon de terre (Carmaux, Le Bousquet d’Orb, Hérépian, Trinquetaille). Elles ont permis la production massive de bouteilles transportables, solides, lourdes, n’imposant pas le clissage, susceptibles de résister à la pression des vins « pétillants« , mais aussi de bocaux et pichets de toutes sortes.

 

Il faut ajouter à cet ensemble le mobilier archéologique de Montagne Noire.

Il est souvent impossible d’affirmer avec certitude l’origine exacte des objets. En effet, le verre antérieur à la deuxième partie du XIXème siècle n’est jamais signé et, en dehors de quelques bouteilles sigillées, il ne porte aucune marque. Les mêmes techniques ont diffusé sur la totalité du territoire national, la coloration verte liée à l’utilisation de sables ferrugineux se retrouve également en Catalogne, en Lorraine, ou ailleurs, les formes elles mêmes peuvent avoir suivi les déplacements si fréquents des verriers. Les relations commerciales à distance, de même que les marchands itinérants se fournissant directement sur l’atelier verrier, sont un facteur de dispersion des produits finis. La vogue actuelle des achats en ligne achève de brouiller les pistes. C’est uniquement un faisceau d’indices qui va orienter l’attribution d’une pièce vers telle ou telle aire de production.